Charcuterie et nitrites

 

POURQUOI UTILISE-T-ON DES NITRITES DANS LA CHARCUTERIE ?

Pour conserver les aliments et en particulier les viandes, l’homme a mis au point des techniques telles que la cuisson, le fumage, le séchage et la salaison.

La salaison remonterait à 5 000 ans puisqu’à l’époque les hommes ont constaté que la viande se conservait mieux en présence du salpêtre, également appelé nitrate. Plus tard, au début du XXe siècle, les chercheurs ont découvert qu’au contact de la viande, le nitrate se transformait lentement en nitrites et que c’était cette molécule qui permettait d’améliorer la conservation de la viande. Depuis les années 1960, les nitrites sont directement utilisés en très faible dose dans la fabrication de certains produits charcutiers.

“Pourquoi les charcutiers ont-ils recours aux nitrites ?” Gilles Nassy – Directeur du Pôle Viandes et Charcuteries de l’Ifip, Institut Français du Porc, vous répond

 

Les nitrites jouent un rôle essentiel dans les charcuteries. Ils empêchent le développement de bactéries très dangereuses pour l’homme, responsables du botulisme et de la salmonellose. De plus, leur usage a pour conséquence de donner aux produits leur couleur rosée.

L’utilisation des nitrites dans la charcuterie est très règlementée.
Une dose d’incorporation maximum de 150 mg de nitrites par kilo de charcuterie, a été fixée par la réglementation européenne.
Grâce à leur savoir-faire, les charcutiers français, artisans et industriels sont en dessous de ce seuil et se sont engagés dans le Code des usages de la charcuterie à limiter l’utilisation des nitrites, d’au moins 20%, soit 120 mg maximum par kilo.

 

 

Les pouvoirs publics mènent régulièrement des enquêtes auprès des consommateurs pour vérifier que leur consommation quotidienne de nitrites est bien inférieure à la dose journalière admissible déterminée par les autorités scientifiques. Celle-ci correspond à la dose maximale qu’un individu peut consommer chaque jour de sa vie, tout au long de sa vie, sans risque pour sa santé.
Toutes ces précautions sont prises dans le but de contrôler la consommation de nitrites. Car dans certaines conditions, les nitrites pourraient se transformer en nitrosamines, substances considérées comme néfastes. Pour prévenir cette transformation, les fabricants utilisent un antioxydant : la vitamine C également appelée acide ascorbique.

Les nitrites contribuent à assurer la sécurité sanitaire des charcuteries. Grâce à la maîtrise des techniques de fabrication et à la qualité des approvisionnements, les charcutiers peuvent limiter au strict nécessaire l’utilisation des nitrites et proposer aux consommateurs des produits qui ne présentent aucun risque pour la santé, dans le cadre d’une alimentation variée et en quantité raisonnable.

 

UNE UTILISATION STRICTEMENT RÉGLEMENTÉE*

Comme l’ensemble des additifs alimentaires autorisés, les nitrates et les nitrites font l’objet d’une réglementation communautaire, dont la dernière date de 2006, applicable depuis 2008. Cette réglementation impose des règles d’utilisation des nitrates et nitrites pour les entreprises alimentaires.

La réglementation communautaire repose sur des évaluations scientifiques très encadrées et conduites régulièrement par les autorités sanitaires qui garantissent des produits sûrs et sains aux consommateurs.

 

La réglementation prévoit un seuil maximum d’incorporation équivalent à 150 mg de nitrites par kilogramme de produits finis entrants dans la fabrication. Il s’agit d’un seuil d’incorporation et non d’un seuil résiduel qui concerne les produits finis.

Ce qu’il faut retenir : les seuils d’incorporation des nitrites dans les produits à base de viande sont fixés par la réglementation européenne. La réglementation garantit des produits sûrs et sains aux consommateurs.

 

Dans le secteur de la charcuterie, la sécurité alimentaire est le premier enjeu. Les professionnels ont développé au fil du temps un savoir-faire qui permet d’optimiser l’utilisation des nitrates et des nitrites.

  • Les artisans et industriels charcutiers français se sont par ailleurs engagés, dans le Code des Usages de la charcuterie , à limiter davantage l’utilisation de cet additif, en baissant ce seuil de 20%, soit 120 mg maximum par kilo.
  • Des enquêtes de consommation sont également menées régulièrement par les autorités sanitaires pour vérifier que la consommation actuelle de nitrites est bien inférieure à la dose journalière admissible (DJA).

 

Pour les produits Bio

La réglementation bio prévoit l’utilisation de nitrites à la dose indicative de 80 mg/kg sans dépasser la dose réglementaire de 150 mg/kg qui s’impose à tous les produits. Pour ces produits, la réglementation européenne prévoit que la quantité résiduelle ne doit pas dépasser 50mg/kg.

 

Point sur la situation en Europe

Tous les pays européens appliquent la réglementation communautaire. Depuis 1983, par dérogation, le Danemark a choisi de réduire le taux d’incorporation des nitrites dans les charcuteries produites sur son territoire à 60mg/kg de produit fini. Il est assorti de nombreuses dérogations (dont certaines à 100 et 150 mg/kg) pour garantir la sécurité sanitaire de certains de leurs produits.

(*) Study on the monitoring of the implementation of Directive 2006/52/EC as regards the use of nitrites by industry in different categories of meat products – January 2016 – P145.

En savoir plus

 

LES ACTIONS DES INDUSTRIELS CHARCUTIERS-SALAISONNIERS FRANÇAIS

Les nitrites jouent un rôle essentiel dans les charcuteries. Ce sont des conservateurs utilisés pour des raisons technologiques et sanitaires. Ils empêchent notamment le développement de bactéries responsables du botulisme et de la salmonellose.
L’utilisation des nitrites dans la charcuterie est très règlementée. Une dose d’incorporation maximum de 150 mg de nitrites par kilo de charcuterie, a été fixée par la réglementation européenne.
Dès 2016, les efforts d’amélioration constante des conditions de conservation des produits (propriétés barrière des emballages, contrôle de la chaîne du froid) et l’application des bonnes pratiques d’hygiène ont déjà permis aux professionnels de réduire de 20% le taux de nitrites incorporés dans les charcuteries qui en contiennent, par rapport aux quantités autorisées par la réglementation européenne.
Ces maxima s’appliquent à tous les professionnels et sont inscrits dans le Code des Usages de la charcuterie.
Une nouvelle réduction de 20% a été proposée par la FICT aux pouvoirs publics en 2019.

En France, un plan d’action a été mis en place. Il passe par l’application de bonnes pratiques d’hygiène  (regroupées dans un guide validé par les autorités sanitaires DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) et l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) en 2011, soit :

  • L’utilisation de viandes très fraîches
  • La maîtrise du pH évitant l’acidification
  • La maîtrise des températures (cuisson à basse température)
  • L’ajout d’un antioxydant (acide ascorbique – vitamine C ou isoascorbique) empêchant la formation des nitrosamines.

L’application de ces pratiques a permis aux professionnels de réduire de 20 % le taux de nitrites incorporés, par rapport à ce qu’autorise la réglementation européenne. Ces taux maxima s’appliquent à tous les professionnels et sont inscrits dans le Code des Usages de la charcuterie (édition 2016).
code des usages de la charcuterieLes recherches menées par les charcutiers-salaisonniers français en partenariat avec les organismes scientifiques ont permis aux fabricants de réduire davantage l’incorporation de nitrites dans leurs produits, soit une réduction de 20% par rapport à ce qu’autorise la réglementation européenne.

Parallèlement, la profession travaille sur :

  • l’identification des alternatives qui pourront permettre demain de ne pas recourir qu’aux seuls nitrites tout en garantissant la qualité et la sécurité des produits de charcuteries
  • la compréhension des mécanismes de transformation des nitrites pour poursuivre la lutte contre la formation des nitrosamines dans les produits.

logoLa FICT a participé :

les molécules susceptibles d’être impliquées
– les moyens de prévenir leur synthèse

  • à un projet européen nommé PHYTOME (PHYtochemicals TO reduce nitrite in MEat products) qui a testé, les conséquences de la substitution d’une partie des nitrites par différents antioxydants naturels lors du process de transformation des viandes sur la production de composés néoformés.

Depuis plus de 10 ans, l’INRA et l’IFIP, avec le soutien de la Fict, ont étudié le lien de causalité entre la consommation excessive decharcuteries et le cancer colorectal sur un modèle de rat chimio-induit complété par le suivi de marqueurs fécaux et urinaires sur des volontaires humains. Grâce à des programmes de recherche financés par l’ANR (projets Hèmecancer et Sécuriviande) et des programmes Inaporc/France Agrimer (co financement du projet Hèmecancer) et des programmes Aprivis(Fict) (projets Polyphénols, NPN, Vitam), des connaissances importantes ont été acquises : concernant le rôle du fer héminique et sa forme nitrosylée qui participe aux réactions d’oxydation et catalyse dans l’estomac et dans le colon, la formation des aldéhydes et des nitrosamines qui sont des familles de molécules dont certaines sont cytotoxiques et génotoxiques. Des pistes efficaces pour éliminer totu néfaste ont été testés avec succès : l’ajout de calcium sous forme de carbonate de calcium dans le régime du consommateur, l’ajout d’antioxydants (vitamine E, polyphénols) dans le régime du consommateur ou directement dans les produits. Ces solutions éliminent les effets délétères sur le colon des rats, sur les cellules épithéliales en culture et sur les biomarqueurs des volontaires humains.

Ces études devaient être complétées de mieux comprendre les mécanisme et permettre la mise en place et la vérification de l’efficacité de mesures de maîtrise. Des alternatives aux nitrites sont recherchées afin d’être testées pour s’assurer qu’elles n’ont pas d’effet négatif.

Adduits est un Programme multi-disciplinaire de 4 ans (2019-2022) réunissant plusieurs laboratoires de l’INRAE et des Centres Techniques professionnels (ADIV, IFIP) financé par la cotisation volontaires de 25 entreprises et de budgets INRAe. Il permettra de renforcer les connaissances sur les mécanismes d’apparition du cancer et identifier les moyens pour diminuer ce risque. Il permettraient de ce fait de réduire la prévalence du cancer colorectal dans la population et limiteraient le risque économique pour la profession de la charcuterie/salaison (70% de la filière porc est transformés par les charcutiers).

FRANCE-DANEMARK : DEUX APPROCHES DIFFÉRENTES EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DES RISQUES 

Le Danemark a réduit depuis 1983 l’utilisation de nitrites dans ses charcuteries. La France s’est engagée aussi dans cette voie en alliant cette baisse à la prise en compte d’autres facteurs.

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Si l’on compare la situation épidémiologique de la France et du Danemark, en 2013 d’après un rapport de l’Agence Européenne de Sécurité Sanitaire des Aliments (EFSA), on constate des taux de salmonellose et de botulisme plus élevés au Danemark.
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Selon l’OMS, le Danemark se place au 4ème rang mondial (3ème européen) des pays qui enregistrent le plus fort taux de cancer colorectal. La France n’arrive qu’au 20ème rang européen. Au Danemark on enregistre 25% de cancer colorectal en plus qu’en France.
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LES CONSOMMATEURS FRANÇAIS NE SONT PAS SUREXPOSÉS AUX NITRITES

Les pouvoirs publics mènent régulièrement des enquêtes auprès des consommateurs pour vérifier que leur consommation quotidienne de nitrites est bien inférieure à la dose journalière admissible, c’est-à-dire à la dose maximale qu’un individu peut consommer chaque jour de sa vie sans risque pour sa santé.

  • Toutes ces précautions sont prises dans le but de contrôler notre consommation de nitrites.
  • L’étude EAT2 (Etude de l’Alimentation Totale sur la base d’une méthodologie préconisée par l’Organisation Mondiale de la Santé) réalisée par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a évalué l’exposition des Français aux nitrites en tenant compte de l’ensemble des sources de nitrites.

 

Les résultats montrent que la consommation de nitrites, toutes classes d’âges de consommateurs confondues, est en-deçà de la dose journalière admissible (DJA), et que le risque peut être écarté pour la population générale. (EAT 2, p22)

 

En juin 2017, l’EFSA a publié deux avis scientifiques sur la réévaluation des nitrites et des nitrates ajoutés aux aliments.

Sur base des éléments de preuve disponibles, les experts de l’EFSA ont conclu que les niveaux de sécurité existants pour les nitrites et les nitrates ajoutés à la viande et à d’autres aliments constituaient une protection adéquate pour les consommateurs.

Concernant, le nitrite en tant qu’additif : les experts ont estimé que l’exposition se situait dans des limites sûres pour tous les groupes de population, à l’exception d’un léger dépassement chez les enfants dont le régime alimentaire est riche en aliments contenant ces additifs.

Les experts ont formulé plusieurs recommandations d’études supplémentaires à mener dans les prochaines années.

Pour toute information complémentaire
http://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/170615-0

La FICT mène actuellement de nouvelles recherches, afin de toujours mieux optimiser le recours aux nitrites.

La DJA fournit une marge de sécurité large et n’est pas un seuil toxicologique, car il s’agit d’une recommandation basée sur une dose moyenne quotidienne consommable pendant toute la vie. Dépasser ponctuellement la DJA ne présente pas de danger.

  • La DJA concernant le nitrite est de 0,06 mg/kg de poids corporel/ j
  • Cette DJA est valable pour l’enfant comme pour l’adulte.

Les nitrates absorbés proviennent à 75% de sources végétales dans lesquelles les nitrates sont naturellement présents et à 6% de sources animales (les autres sources sont les boissons et les autres aliments). Les nitrites absorbés proviennent à part à peu près égales de fruits et légumes (41%) et des produits animaux (39%).

Toutefois, lors de la digestion, une partie des nitrates est transformé en nitrites. Si l’on tient compte de cette conversion, 70% des nitrites sont d’origine végétale.

 

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Selon l’ANSES, les nitrites ne sont pas un problème de santé publique. Le rapport du cabinet indépendant CIVIC sur l’utilisation des nitrites, qui a été remis à la Commission européenne en janvier 2016, précisait alors en conclusion que les nitrites ne sont, aujourd’hui, pas substituables dans la fabrication des charcuteries.

Un groupe de travail « risques associés à la consommation de nitrites et de nitrates » a été créé à l’ANSES.

Le rendu des travaux de ce groupe de travail est prévu pour le 4ème trimestre 2021 et il aura pour objectif :

 

D’établir si possible, les doses minimales, par produits, de nitrites et/ou de nitrates suffisantes pour obtenir la maîtrise du risque botulique, de recenser les leviers d’actions permettant de diminuer l’exposition globale des consommateurs, en fonction des caractéristiques de l’exposition propres à la France, aux nitrites et nitrates par ingestion quelle que soit leur origine [note TG les viandes ne représentent que 12%], et donc in fine aux nitrosamines.
D’évaluer si de nouvelles connaissances scientifiques, notamment en réponse aux recommandations de l’EFSA, sont susceptibles : d’une part, de lever les incertitudes sur les mécanismes de transformation des nitrates et nitrites dans l’organisme et dans les denrées alimentaires et, d’autre part, de motiver le réexamen des DJA/VTR déterminées par l’EFSA.
D’évaluer si, depuis les publications du CIRC, resp. de l’Inca de 2018, de nouvelles connaissances scientifiques sont susceptibles de mieux caractériser le lien entre cancérogenèse chez l’Homme et apport de fer héminique associé aux nitrites via la consommation de produits carnés. Pour ce faire. Ce travail donnera lieu à la formulation de recommandations sous forme d’un avis scientifique de l’Anses destiné à éclairer les décisions des pouvoirs publics en matière de protection de la santé des consommateurs.